Lettre de l’Observatoire de l’âgisme au journal Le Monde
Au sujet de la valeur du vote des citoyens âgés...
lundi 13 octobre 2008
par webmaster

La qualité de politologue, philosophe, économiste ou sociologue ne protège malheureusement pas d’étranges conceptions de la démocratie. Le spectre du « vieillissement de l’électorat » en inspire quelques unes.

Ainsi, en France, le philosophe Yves Michaud propose-t-il à l’occasion d’instaurer ce qu’il appelle une « fin de vie citoyenne » en supprimant le droit de vote à 80 ans. Ainsi, en Suisse, un politologue, Silvano Möckli, a-t-il élaboré un système fort complexe de pondération pour que les bulletins de vote perdent de la valeur au fur et à mesure qu’augmente l’âge de l’électeur.

Ces voix s’élèvent donc pour rétablir une forme de suffrage censitaire, basé demain sur la jeunesse, comme il le fut – notamment en France - sur la richesse. Étrange conception de la démocratie et de la citoyenneté. Car si ces votes devraient être pondérés ou refusés, c’est bien que, pour les tenants d’une telle réforme, le citoyen âgé a perdu de la valeur en prenant de l’âge ! Rappelons qu’il a fallu des siècles à la France pour établir le suffrage universel, et pour que puissent notamment voter les citoyens pauvres (1848) et les citoyens femmes (1944).

L’inquiétant n’est pas l’existence de ces quelques voix, isolées, qui macèrent dans leur coin leur haine de la démocratie. De tous temps, il a paru insupportable à certains que les humains naissent et demeurent égaux en droits. L’inquiétant est le relais que ces personnes trouvent aujourd’hui dans les médias considérés comme les plus respectables. Ainsi Le Monde, dans son édition du 9 octobre, a-t-il publié dans un encadré intitulé « Repères », les lignes qui suivent :

« Suffrages. Pour limiter la "surreprésentation" prévisible des seniors dans le corps électoral des pays développés, plusieurs chercheurs ont proposé de minorer le vote des plus âgés. Le politologue Silvano Möckli (Université de Saint-Gall, Suisse) est allé jusqu’à suggérer d’attribuer un coefficient à chaque classe d’âge : à 18 ans, le multiplicateur serait de 2, puis déclinerait de 0,01 par année. Le bulletin d’une personne de 70 ans ne compterait plus ainsi que pour 1,48. Le système a le mérite de prévoir largement l’allongement de la durée de vie, puisque l’être humain y atteindrait l’âge limite de son existence politique... à 218 ans. »

Comment le lecteur, qui ignore tout de M. Möckli, peut-il juger de sa proposition sans disposer de quelque lumière sur sa légitimité sur la scène de la recherche internationale ? Sans qu’on l’informe du contexte idéologique dans lequel se situent ses recherches et son enseignement ? Faute de ces éléments, voici, grâce au Monde et malgré les guillemets et la légère ironie de la conclusion, la « surreprésentation prévisible des seniors » médiatiquement légitimée comme concept, comme réalité, comme menace. Et les propositions d’un obscur politologue présentées comme une possible solution à un problème qu’il a lui-même créé.

L’Observatoire de l’Âgisme est affligé de devoir donc rappeler que chaque bulletin de vote, dans notre pays, possède la même valeur, quel que soit l’âge, la situation financière, la religion, la couleur de peau ou le sexe de l’adulte qui l’exprime.

Post Scriptum :
Rappelons également que la France s’est engagée, selon les termes du Traité d’Amsterdam, à "combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les croyances, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle".
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