La ville de La-Roche-sur-Yon promeut la campagne qu’elle mène actuellement pour, dit-elle, « lutter contre les discriminations liées à l’âge ».
Cette campagne consistant en l’affichage dans les rues de la ville des quatre affiches suivantes :
Quelques remarques.
A commencer par le plus surprenant : prétendre lutter « contre les discriminations liées à l’âge » et ne faire une campagne ne mettant en scène que des « seniors ». C’est donc en réalité les personnes d’un seul âge que cela concerne. En ce sens, d’ailleurs, lutter contre une discrimination en ne parlant que de certaines de ses victimes, c’est exclure les autres (les jeunes ne seraient donc pas victimes d’âgisme) et les discriminer encore plus.
Passons sur le fait de prétendre lutter contre « les discriminations » quand on se contente de quelques affiches qui portent plutôt sur les représentations et les stéréotypes.
Plus grave, en revanche : lutter contre les stéréotypes (négatifs) qui touchent les vieux en les remplaçant par d’autres stéréotypes (censés être positifs, évidemment).
On retrouve là une des constantes de cet anti-âgisme qui fait de l’âgisme sans le savoir, en affirmant que tous les vieux ont des caractéristiques positives, en général d’ailleurs des caractéristiques « de jeunes ». Autrement dit, pour lutter contre l’âgisme, on renforce ce qui est la caractéristique même de l’âgisme (et du racisme, du sexisme, etc.) : prêter à une catégorie de la population, ici du fait de son âge (de son genre, sa religion, sa couleur de peau, etc.), de semblables caractéristiques. Alors, redisons-le : non, « les vieux » ne sont pas dynamiques, compétents ou engagés, pas plus que « les jeunes » le seraient, pour la bonne raison que « les vieux », pas plus que « les jeunes » n’existent (autrement qu’en tant que catégorie d’âge). Le dynamisme, la compétence, l’engagement, sont affaires de personnes, pas d’âge, ou de genre…
Au passage, remarquons aussi le « Certifiée » qui classe cette campagne, comme la plupart de celles censées « valoriser les seniors » ( !), dans cette tonalité paternaliste où ce ne sont jamais les seniors eux-mêmes qui parlent ou agissent mais toujours d’autres, très bienveillants évidemment, qui ici « certifient » ou ailleurs « protègent ». Dans tous les cas, exit l’autonomie : qui consisterait a minima, pour une ville « amie des âges », à donner les moyens à des citoyens de tous âges de se saisir de ce sujet et de construire, eux, des actions sur ces discriminations âgistes.
Pour finir, imaginons. Imaginons un instant une campagne de com’ du même style avec les autres discriminations. Sur le même mode, donc consistant à prendre d’abord des idées reçues courantes : là, ce sont les vieux qui ne sont ni dynamiques ni compétents, ici ce seraient donc les femmes qui sont irrationnelles, les écossais radins, les homosexuels efféminés, les gitans voleurs… Et allons-y de jolies affiches dans les rues de la ville montrant une femme « Certifiée rationnelle », un écossais « Certifié Généreux », un gitan « Certifié honnête », un homosexuel « Certifié viril », etc.
Inimaginable ! Alors que quand il s’agit des vieux, ça passe sans sourciller.
Pour info : la ville de La-Roche-sur-Yon est labellisée « Ville amie des aînés ».