Depuis quelques jours, une pétition circule dans la région grenobloise. Elle appelle à réagir face à la décision du SMTC (Syndicat Mixte des Transports en Commun) de Grenoble de ne plus accorder la gratuité des transports, aux heures creuses, aux personnes de plus de 65 ans (gratuité établie en 1974 sous la forme d’une carte dite "carte émeraude" ; gratuité qui, soit dit en passant, se payait cher socialement, puisqu’elle incitait les "plus de 65 ans" à ne se déplacer qu’à certaines heures...).
La SMTC a indiqué également vouloir, dans le même temps, mettre en place un autre dispositif permettant de proposer des tarifs réduits aux personnes à faibles revenus - et indépendamment de leur âge, donc.
Bref, une pétition circule depuis, émanant de plusieurs organisations syndicales, présentant la suppression de cette gratuité pour les personnes de plus de 65 ans comme une forme de "régression" allant à l’encontre de la "solidarité avec les personnes âgées".
Nous sommes nombreux, ces organisations incluses, à dénoncer les discours qui présentent les "retraité-e-s ou "les personnes âgées" ou "les seniors" comme toutes et tous aisé-e-s... et nous les dénonçons notamment en rappelant incessamment la réalité, à savoir que l’appartenance à un groupe d’âge n’a jamais fait la richesse ou la pauvreté : comme dans toutes les autres catégories d’âge de la population, parmi les vieilles personnes, beaucoup vivent dans des situations économiques difficiles, un certain nombre sont économiquement à l’abri du souci, et une minorité possèdent revenus et patrimoines importants.
Autrement dit, parmi ces personnes de "plus de 65 ans", beaucoup peuvent tout à fait payer leurs déplacements, et certaines ne le peuvent que difficilement – ce sont celles-là qu’un SMTC doit soutenir, comme il doit soutenir les personnes de tous les autres âges éprouvant ces mêmes difficultés.
Proposer que les retraités, au prétexte de l’âge ou du statut de retraité, aient un accès gratuit aux transports quelles que soient leurs ressources, nous paraît dangereux. Une telle démarche
participe de l’homogénéisation d’une catégorie de la population où s’observe surtout, comme dans les autres, la diversité importante des situations socio-économiques ;
ne fait que remplacer une perception caricaturale (les "seniors aisés") par une autre caricature (les "personnes âgées pauvres") ;
risque d’attiser fortement ces formes d’âgisme qui reproche aux ainé-e-s d’être privilégié-e-s par rapport aux plus jeunes ;
enfin, déresponsabilise et infantilise socialement les personnes de plus de 65 ans elles-mêmes.
Considérer qu’une personne ayant les moyens de payer ses trajets doive en être dispensée au nom de son âge constitue clairement à nos yeux une forme masquée, mais néanmoins dangereuse, de condescendance et d’âgisme. La "solidarité avec les personnes âgées" consiste avant tout, rappelons-le, à percevoir et traiter les citoyens et adultes âgés comme des citoyens et adultes ayant les mêmes responsabilités, droits et devoirs que les autres citoyens et adultes.