Au journal de 13h de France-Inter, ce dimanche 24 janvier 2021, était interrogé Xavier Lescure, chef de service à l’Hôpital Bichat. Vers le 12e minute, on peut l’entendre tenir les propos suivants (le contexte est celui du sujet des alternatives possibles à un re-confinement) :
« Soit faire des confinements sur des populations extrêmement à risque, soit admettre que ce qu’on vit après 80 ans c’est du bonus.
Est-ce qu’aujourd’hui est-ce qu’on peut encore s’autoriser ces bonus ?
Je pense qu’il faut prioriser les jeunes générations, les forces actives de la société, les PME.
Je pense qu’il faut qu’on fasse des choix qui sont difficiles. »
De nombreuses réactions ont été reçus suite à ces propos par la médiatrice de Radio France – https://mediateur.radiofrance.com/non-classe/4-les-propos-du-pr-xavier-lescure/
Des propos glaçants, mais... malheureusement peu surprenants.
Il y a quelques semaines, sur CNews, c’est un épidémiologiste, Martin Blachier, qui s’interrogeait sur l’opportunité de réserver « toutes les doses de ces précieux vaccins à des gens qui attendent la mort dans des Ehpad ».
Sur CNews, également, il y a quelques jours, un chef de service à l’hôpital Cochin, Michaël Peyromaure présentait la campagne actuelle de vaccination comme une forme « d’acharnement thérapeutique », affirmant qu’on allait avec un confinement "massacrer un pays pour sauver 30000 vies", précisant à leur sujet : « Pourquoi va-t-on en Ehpad si ce n’est pour y terminer sa vie ? »
Il y a quelques années de cela, Alain Minc tenait des propos de même facture à l’occasion d’une émission télévisée. C’était au sujet de son père. Pour Minc, ce n’était pas du bonus, mais du luxe. Précisément : " Moi, j’ai un père qui a 102 ans. Il a été hospitalisé 15 jours en service de pointe. Il en est sorti. La collectivité française a dépensé 100.000 euros (1) pour soigner un homme de 102 ans. C’est un luxe immense, extraordinaire. Pour lui donner quelques mois, ou j’espère, quelques années de vie."
Au moins, Alain Minc espérait quelques années de bonus. Il semble qu’aujourd’hui on les redoute. Ces médecins qui s’autorisent à dire tout haut ce qu’ils pensent tout haut, dans un mélange qu’on ignore de toute puissance, de provocation, de psychopathie, en tout cas opposent sans hésiter les vies des uns aux vies des autres, les vies des pas encore vieux aux vies des vieux, des forces vives aux forces-bonus-en-sursis et indiquent clairement aux politiques (avec leur seule et haute auto-légitimité pour juger de telles questions) ce qu’il leur faut faire : ne plus s’autoriser les bonus, faire des choix, prioriser, avec courage (évidemment, puisqu’il y aura sans doute des grognons pour ne pas être d’accord).
Sidérant. Et sidérant que l’AP-HP, qui emploie une partie de ces soignants si certains de qui il faut sacrifier, ne réagisse pas. Mais après tout, est-ce étonnant, si l’on songe que l’AP-HP est dirigé par Marin Hirsch, qui déclarait il y a quelques années, à la radio lui aussi : " Il faut refaire le suffrage censitaire et donner deux voix aux jeunes quand les vieux en ont qu’une. Il faut donner autant de voix qu’on a d’années d’espérance de vie. "